
Négocier par accord, mais lequel ?
Un pouvoir de négociation inédit
La réforme opérée par l’ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017
confère aux partenaires sociaux un pouvoir de négociation inédit. Un CSE sur-mesure peut être créé, de nombreux points étant ouverts à la négociation, qu’il s’agisse des modalités de mise en place, de la durée des mandats, des consultations, des expertises, du fonctionnement, des moyens, etc.
Accord majoritaire avec ou sans référendum, accord d’entreprise, accord avec le CSE, PAPI etc.
La loi exige le plus souvent un accord majoritaire sans référendum possible et n’autorise l’accord avec le CSE qu’en l’absence de délégué syndical. Il peut aussi être nécessaire de conclure un accord à la double majorité (protocole d’accord préélectoral) voire un accord unanime (entre l’employeur et l’ensemble des organisations syndicales représentatives), qu’il s’agisse de modifier le nombre ou la composition des collèges électoraux ou d’augmenter le nombre maximal de 25 élus au CSE central (c. trav. art. R. 2316-1).
Il arrive qu’un texte exige « un accord d’entreprise ». Cette expression elliptique désigne l’accord collectif conclu au niveau de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un accord majoritaire sans référendum possible (50 %), d’un accord ayant recueilli au moins 30 % des suffrages des syndicats représentatifs et approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés ou encore d’un accord issu d’une négociation dérogatoire (élus mandatés ou non ou salariés mandatés + référendum).
L’accord d’entreprise permet par exemple de fixer le nombre d’expertises dans le cadre des consultations récurrentes ; en l’absence d’un accord d’entreprise, l’accord peut être conclu avec le CSE (c. trav. art. L. 2315-79).
Un « accord d’entreprise » permet aussi de fixer le délai dans lequel l’expert doit rendre son rapport (c. trav. art. L. 2315-85), délai qui peut également être fixé par accord entre l’employeur et le CSE sans que le texte ne prévoie de hiérarchie entre les accords.
Un « accord d’entreprise » peut également déterminer la contribution patronale aux activités sociales et culturelles (ASC) (c. trav. art. L. 2312-81), répartir la contribution patronale aux ASC entre les CSE d’établissement (c. trav. art. L. 2312-82), augmenter le nombre d’élus au CSE dans les installations nucléaires (c. trav. art. L. 4523-6) ou permettre de ne pas imputer le temps passé aux réunions des commissions sur le crédit d’heures (c. trav. art. L. 2315-11). Dans ces quatre dernières hypothèses en revanche, à défaut d’accord d’entreprise, aucun accord avec le CSE n’est possible, les dispositions supplétives s’appliquent.
L’encadrement de la visioconférence doit quant à lui être négocié exclusivement avec le CSE (c. trav. art. L. 2315-4).
Il importe donc de bien identifier sur quoi et avec qui il est possible de négocier, faute de quoi l’accord serait dépourvu d’effet.
Anomalies ?
Que l’ordonnance permette de soumettre à l’approbation des salariés un accord fixant le nombre d’expertises, répartissant la contribution patronale entre les comités d’établissement ou encore de ne pas imputer le temps passé aux réunions des commissions sur le crédit d’heures peut surprendre.
Les salariés sont-ils en mesure de se prononcer sur de tels sujets ? L’employeur avisé négociera avec le CSE (première hypothèse) ou appliquera les dispositions supplétives.
Établissement distinct de moins de 50 salariés
Appréciation de l’effectif au niveau de l’entreprise
Qu’il s’agisse du fonctionnement du CSE ou de ses attributions, les prérogatives des comités sont définies par le législateur en fonction des effectifs de l’entreprise, non de ceux de l’établissement dans lequel un comité est implanté.
Ainsi tous les comités sociaux et économiques d’établissement d’une entreprise d’au moins 50 salariés obéissent au régime des « 50 et + » (personnalité juridique, budget, délibération, nombre de réunions, attributions consultatives, PV, etc.), quand bien même un comité serait implanté dans un établissement de moins de 50 salariés.
Une réflexion à mener
Une TPE ou PME d’au moins 50 salariés doit donc conduire une réflexion sur le périmètre d’implantation de ses établissements distincts, elle ne peut se contenter de reproduire l’ancien schéma d’implantation des délégués du personnel en mettant en place des CSE d’établissement (CSEE) là où elle disposait auparavant d’établissements de moins de 50 salariés.
Le CSEE d’un établissement de moins de 50 salariés d’une entreprise d’au moins 50 salariés ne s’apparente pas à l’institution des délégués du personnel.
Mettre en place une ou des CSSCT
À quel moment ?
C’est l’accord d’entreprise définissant le nombre et le périmètre des établissements distincts qui doit fixer les modalités de mise en place de la ou des commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) (c. trav. art. L. 2315-41).
La formulation est identique pour les représentants de proximité : la loi renvoie à l’accord de découpage de l’entreprise en établissements distincts.
Une telle règle n’est en revanche pas posée pour les autres commissions, la loi se contentant d’exiger un accord majoritaire sans référendum possible, qui peut donc être distinct de l’accord de structuration de l’entreprise (c. trav. art. L. 2315-45).
Il est conseillé d’aborder la mise en place, les attributions et le fonctionnement de la ou des CSSCT (et des représentants de proximité) dès la première négociation sur le découpage de l’entreprise, les commissions n’étant qu’une composante des CSE d’établissement.
Pour autant, le renvoi à l’accord sur le découpage de l’entreprise signifie simplement, à notre avis, que l’accord doit être majoritaire sans possibilité de recourir au référendum. Le texte n’interdit sans doute pas la création d’une ou de plusieurs CSSCT par un avenant à l’accord sur les établissements distincts.
Seuil de 300 salariés
Large pouvoir d’appréciation de l’inspection du travail
La mise en place d’une ou de commissions santé, sécurité et conditions de travail n’est obligatoire que dans les établissements ou entreprises d’au moins 300 salariés (hors établissement dangereux, pour lesquels il n’y a pas de condition d’effectif) (c. trav. art. L. 2315-36). Soit un seuil multiplié par six par rapport au CHSCT, qui n’était obligatoire que dans les établissements et entreprises d’au moins 50 salariés.
La loi confère toutefois à l’inspection du travail le pouvoir d’imposer à l’employeur la création d’une commission et les critères pouvant être pris en compte par cet agent sont pour le moins flous : la nature de l’activité, l’agencement ou l’équipement des locaux (c. trav. art. L. 2315-37). Ces critères ne sont en outre pas limitatifs.
L’inspection du travail dispose autrement dit d’une large marge de manoeuvre. Elle prendra en compte le taux de sinistralité, le taux d’accident du travail, surtout dans les secteurs de l’industrie, des transports, etc.
Prendre les devants ?
Il peut donc être utile de prendre les devants, de réfléchir à l’utilité de telle(s) commission(s) quand bien même le seuil de 300 salariés n’est pas atteint, plus particulièrement dans les entreprises dans lesquelles l’inspecteur du travail intervient régulièrement aux réunions du CHSCT. Dans l’hypothèse où aucun des établissements ni l’entreprise n’atteignent le seuil de 300 salariés, une commission peut utilement être mise en place à ce dernier niveau.
Commission centrale
Une commission du CSE central
Une seule condition est posée à l’obligation de mettre en place une CSSCT centrale : que l’effectif de l’entreprise atteigne 300 salariés (c. trav. art. L. 2316-18). La CSSCT centrale constituant une commission du CSE central (CSEC), il faut aussi, par définition, un CSEC et donc au moins deux CSE d’établissement. Soit deux conditions.
Faut-il que des commissions de santé-sécurité soient mises en place dans au moins deux établissements pour qu’une CSSCT centrale soit obligatoire ? Une entreprise d’au moins 300 salariés peut comprendre plusieurs établissements dotés d’un CSEE dont un seul a mis en place une CSSCT voire aucun. Cette autre condition s’impose à première vue. En ce sens, la CSSCT centrale chapeauterait les commissions santé-sécurité d’établissement. Tel ne semble pas cependant être la conception de cette commission. Elle est dite « centrale » car elle constitue une commission du CSEC. Les membres de la CSSCT centrale doivent ainsi être désignés par le CSEC parmi ses membres et aucune articulation n’est prévue entre cette dernière et les commissions d’établissement.
Si telle est bien la conception de la CSSCT centrale, l’entreprise qui atteint le seuil de 300 salariés et qui a un CSEC doit mettre en place une CSSCT centrale.
Pluralité de CSSCT dans une entreprise de moins de 300 salariés
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, il peut arriver qu’une pluralité de CSSCT soient mises en place dans des établissements, volontairement ou en raison de l’existence de sites dangereux ou sur demande de l’inspection du travail.
Une CSSCT centrale est-elle alors obligatoire ?
Quand bien même plusieurs CSEE et un CSE central seraient mis en place, une réponse négative pourrait être soutenue dès lors que le seuil de 300 salariés n’est pas franchi, une pluralité de CSST ne dictant pas à notre avis l’obligation de créer une CSSCT centrale.
Commission présidée par l’employeur
Chaque commission du CSE doit être présidée par l’un de ses membres (c. trav. art. R. 2315-28: les commissions peuvent comprendre des salariés non élus).
Spécificités de la CSSCT, elle doit non seulement être composée exclusivement de salariés membres du CSE et être présidée par l’employeur ou son représentant, cette disposition étant d’ordre public (c. trav. art. L. 2315-39). Pour la commission économique, la règle n’est que supplétive (c. trav. art. L. 2315-46). Toutes les réunions de la CSSCT doivent donc avoir lieu en présence de l’employeur (c. trav. art. L. 2315-39).
Règle qui explique que le temps passé aux réunions de cette commission n’est pas comptabilisé dans les limites de 30 ou 60 heures annuelles au-delà desquelles les heures passées aux réunions des commissions sont décomptées des heures de délégation.
Renvoi au règlement intérieur du CSE en l’absence d’accord
Que la création de CSSCT soit obligatoire ou facultative, en l’absence d’un accord (majoritaire ou, en l’absence de délégué syndical, avec le CSE) fixant l’ensemble des points à négocier, aucune disposition supplétive n’est prévue. C’est le règlement intérieur du CSE qui définit alors les modalités manquantes, voire l’intégralité des modalités (c. trav. art. L. 2315-44).
Il reviendrait donc au CSE de prévoir dans son règlement intérieur le nombre de membres des commissions, leurs heures de délégation, les moyens qui leur sont alloués, les missions déléguées, etc.
Le règlement intérieur du CSE ne peut cependant pas imposer à l’employeur d’obligation nouvelle (c. trav. art. L. 2315-24), la loi de ratification ayant conféré une valeur législative à cette règle prétorienne.
Les éléments manquants ne peuvent donc être prévus dans le règlement intérieur du CSE qu’avec l’accord de l’employeur. Une impasse n’est pas exclue…
L’envoi de l’ordre du jour
À l’agent de l’inspection du travail et au médecin du travail
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, au moins quatre réunions doivent être consacrées chaque année en totalité ou en partie à la santé, la sécurité et aux conditions de travail. Des réunions exceptionnelles doivent en outre avoir lieu en cas d’accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves, d’événement grave, ou à la demande de deux membres sur les sujets de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail (c. trav. art. L. 2315-27). Logiquement, la loi impose à l’employeur d’informer annuellement l’agent de l’inspection du travail, le médecin du travail et l’agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale de ces réunions et de les leur confirmer par écrit au moins 15 jours avant (c. trav. art. L. 2315-27).
Quel que soit l’objet de la réunion
On aurait pu penser que ces personnalités devraient recevoir l’ordre du jour des seules réunions portant sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail, qu’il s’agisse des quatre réunions annuelles ou des éventuelles réunions exceptionnelles, comme c’est le cas lorsque l’entreprise comprend un CHSCT. Et bien non : la loi exige l’envoi de l’ordre du jour de chaque réunion du CSE à l’agent de l’inspection du travail et à l’agent des services de prévention (c. trav. art. L. 2315-30).
Quant au médecin du travail et au responsable interne du service de sécurité, ils ne sont à première vue pas destinataires de l’ordre du jour. L’employeur doit pourtant leur envoyer l’ordre du jour de toutes les réunions, car ils sont désormais membres du CSE; le texte relatif au CSE le dit à demi-mot (c. trav. art. L. 2314-3) tandis que l’article L. 2316-4, relatif à la composition du CSE central, affirme sans ambages que ces personnalités en sont membres. Étant membre du CSE, le médecin du travail doit sans doute avoir accès à la BDES.
Certes, l’omission n’est pas assortie d’une sanction spécifique ; mais une fois le CSE en place, il convient néanmoins de modifier sa pratique.
L’importance de négocier la BDES
BDES supplétive versus BDES conventionnelle
Innovation primordiale
Innovation primordiale de l’ordonnance 2017-1386, la base de données économiques et sociales (BDES) peut désormais être négociée (accord majoritaire avec des syndicats représentatifs sans référendum possible ou, en l’absence de délégué syndical, accord avec le CSE). À regarder les textes de près, cette possibilité s’avère en fait constituer une nécessité tant pour l’entreprise que pour les élus et représentants syndicaux.
Une comparaison chiffrée suffit pour s’en convaincre.
BDES conventionnelle
Quel que soit l’effectif de l’entreprise, la BDES conventionnelle doit comprendre a minima 7 thèmes, 2 rubriques et 8 indicateurs (c. trav. art. L. 2312-21 et L. 2312-18 qui exige au moins deux indicateurs relatifs à l’égalité entre les hommes et les femmes, dont un sur les écarts de rémunération).
Aucune obligation temporelle n’étant par ailleurs imposée, toute liberté est laissée aux négociateurs pour intégrer ou non les années passées et les perspectives des prochaines années.
BDES supplétive
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, la BDES supplétive doit comporter 9 thèmes, 17 rubriques et plus de 110 indicateurs (c. trav. art. R. 2312-8).
L’importance de négocier la BDES est encore plus flagrante dans les entreprises d’au moins 300 salariés : la BDES supplétive doit alors comporter 9 thèmes, 27 rubriques et plus de 270 indicateurs (c. trav. art. R. 2312-9).
Ces informations doivent en outre porter sur six années (les deux années précédentes, l’année en cours et les perspectives pour les trois prochaines années).
Un intérêt de négocier partagé
Quel chef d’entreprise ou responsable des relations sociales peut sérieusement établir et actualiser une BDES comportant un si grand nombre d’indicateurs ?
Or la BDES constitue le support de chacune des consultations récurrentes (c. trav. art. L. 2312-18) et, en l’absence de mise à disposition d’une BDES, le délai de consultation ne peut courir (cass. soc. 28 mars 2018, n° 17-13081 FSPB). Le délai ne court sans doute pas davantage en l’absence de mise à disposition d’une BDES complète et actualisée.
Les entreprises de moins de 300 salariés pourraient trouver leur salut au niveau de la branche, qui peut négocier un accord (c. trav. art. L. 2312-21). Mais combien de branches sont en capacité de négocier une BDES ? Combien sont disposées à le faire et sous quel délai ?
Les syndicats auraient quant à eux tort de se désintéresser de cette négociation. L’excroissance de la BDES supplétive (voir § 6-17) réalisée par l’ordonnance Macron ne facilite(ra) pas la mission des élus et représentants syndicaux, qui ne sont sans doute pas en mesure d’exploiter utilement une telle masse de données.
Construire une BDES adaptée à l’entreprise
Négocier une BDES efficiente implique de réfléchir aux rubriques et indicateurs adaptés à l’entreprise, en fonction de sa taille, de son secteur d’activité, des enjeux économiques et sociaux auxquels elle est confrontée, etc. Des indicateurs ou rubriques peuvent être modifiés ou supprimés, d’autres ajoutés.
L’essentiel étant de construire un contenu permettant aux élus et représentants syndicaux d’obtenir une information complète et utile pour l’exercice de leurs prérogatives et d’articuler la négociation de la BDES et la négociation sur les consultations récurrentes
QHSE Concept vous accompagne
QHSE Concept, cabinet d’études basé à Saint-Flour, Aurillac (Cantal) et Lyon (Rhône) est spécialisé en Sécurité au Travail.
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